Prise de position sur la "Réforme dans la Fonction publique"
by Romain Kremer
Prise de position de
l’Association des Cadres Fonctionnaires de l’Administration Gouvernementale
(ACFAGouv)
au sujet
des avants-projets de textes transposant les accords du Gouvernement et de la CGFP dans le cadre de la réforme de la fonction publique.
- 5 janvier 2012 -
Sommaire Page
- Introduction 3
- Impact général des mesures contenues dans les avants-projets de textes
- La nouvelle structuration des carrières 4
- La réforme du stage 7
III. La gestion par objectifs 8
Le système d’appréciation des compétences personnelles et
professionnelles
La procédure d’amélioration des prestations professionnelles et
procédures d’insuffisance professionnelle
- Les autres projets de réformes11
- Le droit de grève11
- Les mesures diverses12
- Les examens-concours 12
- Les employés13
- Le Life Long Learning et la carrière ouverte14
- Les règles déontologiques18
- La sécurité et la santé 19
- Impact spécifique sur l’Administration gouvernementale
C01. Les mesures spécifiques 20
C02. Les mesures générales 26
Le risque de la politisation 26
I bis. La nouvelle structuration des carrières 27
II bis. La réforme du stage 27
III bis. La gestion par objectifs 28
Le système d’appréciation des compétences personnelles et
professionnelles
La procédure d’amélioration des prestations professionnelles
et procédures d’insuffisance professionnelle
IV bis. Les autres projets de réformes 29
- Introduction.
Le Ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative avait reçu les représentants de l’ACFAG le 24 février 2011. Quelques jours auparavant, l’ACFAG avait fait parvenir au Ministre son « Aide-mémoire des propositions et revendications de l’ACFAG en vue de la révision générale des traitements ».
L’entrevue du 24 février s’était déroulée dans un bon climat, mais c’était surtout un échange d’informations et d’opinions. Notre analyse des projets gouvernementaux n’avait cependant pas donné lieu à une réelle concertation, ni même à un dialogue quelque peu approfondi. Dès t entre certaines réformes sectorielles « incontournables » , les visions de modernisation du Gouvernement et les exigences syndicales, a engendré ce que Madame Octavie MODERT a désigné « Joerhonnertreform » et dont les éléments-clés politiques sont la diminution des rémunérations des stagiaires et l’introduction de l’évaluation des fonctionnaires.
Selon les termes de l’accord du 15 juillet « ………une prise de position écrite de la part des associations professionnelles sectorielles sera demandée ….pour les autres questions, pour autant qu’elles les concernent spécifiquement……… ».
En vertu du mandat qui nous est confié par nos membres et qui est ancré dans les statuts de notre association, nous avons néanmoins l’obligation de nous prononcer sur la majorité des éléments de l’accord, voire aussi, et peut-être surtout, sur les points qui ne figurent pas dans l’accord mais dans les avants-projets de texte.
Le fondement de notre prise de position est, comme indiqué ci-dessus, le mandat que nous avons à remplir vis-à-vis de nos membres, mais relève en outre de notre volonté de vouloir contribuer à ce que les services publics fonctionnent également dans le futur de façon optimale et transparente. Dans cette optique nous consacrerons la partie B de notre prise de position à différents aspects généraux de la réforme et la partie C plus spécifiquement à l’Administration gouvernementale..
Dernière remarque préliminaire : il est évident que nous ne sommes pas d’accord avec le refus du gouvernement d’adapter les conditions d’accès à la carrière du rédacteur aux besoins d’une fonction publique moderne ; nous nous rallions dans cette question à la position de l’Association Générale des Cadres et nous consacrons la présente prise de position aux autres questions générales et spécifiques.
Les différents commentaires suivent le schéma de l’accord du 15 juillet 2011
- Impact général des mesures contenues dans les avants-projets
de textes.
- La nouvelle structuration des carrières.
D’après l’accord, le système actuel prévoyant pour les carrières hiérarchisées un cadre ouvert et un cadre fermé est remplacé par un nouveau système prévoyant un niveau général et un niveau supérieur afin « d’assurer une évolution cohérente et uniforme des carrières ».
L’ACFAG conteste la nécessité de cette réforme. La raison en est simple :
- Pour différentes catégories de fonctionnaires les tâches et les responsabilités changent au cours de la vie professionnelle .
C’est d’abord une nécessité pratique , car dans beaucoup de domaines de l’administration publique, les compétences professionnelles dépendent de l’expérience professionnelle - du LLL pratique - et non pas de la formation scolaire, secondaire ou universitaire ; les compétences professionnelles sont donc évolutives.
Le deuxième fondement de l’organisation hiérarchique de plusieurs carrières, provient tout simplement des besoins d’organisation et de structuration des administrations et services .
Le degré des responsabilités assumées est documenté par la nomination à des fonctions différentes et honoré par une rémunération spécifique, généralement plus élevée. Les fonctionnaires qui n’ont pas les qualifications requises, ne sont pas nommés à des fonctions supérieures.
- Pour d’autres catégories de fonctionnaires les tâches ne changent guère au cours de la vie professionnelle. Ils assument, dès leur entrée en service, des responsabilités plus ou moins grandes, responsabilités auxquelles ils ont en principe été préparées lors de leurs études.
Ils sont nommés à une fonction spécifique et précise.
- Voilà pourquoi la différence a toujours été faite entre carrières hiérarchisées d’une part et carrières planes d’autre part, les premières comportant plusieurs fonctions différentes, documentant la tâche et le niveau hiérarchique, les deuxièmes comportant une seule fonction.
Dans le quotidien professionnel des catégories existantes de fonctionnaires cette différence ne disparaîtra pas à l’avenir, même si les textes proposés prescrivent l’uniformisation. De ce point de vue le projet de réforme n’est donc pas réaliste.
En remplaçant, pour les carrières hiérarchisées actuelles, le système des promotions, correspondant aux besoins et à la structuration hiérarchique des administrations et services, par un système d’avancement automatique, le Gouvernement privera dorénavant ses chefs d’administration d’un important outil d’organisation et de motivation du personnel.
Il est vrai que les concepteurs du nouveau système « cohérent et uniforme » ont présenté certains arguments :
- le système actuel serait la cause de différentes injustices, tous n’ayant pas les mêmes chances de pouvoir accéder aux postes de promotion
- « les différentes fonctions du cadre fermé, tout comme celles du cadre ouvert et à l’exception de celles exercées par des agents de la Force publique, ne correspondent plus à une vraie graduation des attributions, de sorte qu’ils peuvent être supprimés ».
L’ACFAG conteste ces arguments, qui ne sont que partiellement fondés. Nous pensons par contre que les arguments en question servent sutout de prétexte pour pouvoir
- harmoniser certaines carrières planes avec les carrières hiérarchisées,
- introduire, également pour les carrières planes actuelles, le système d’appréciation des compétences personnelles et professionnelles.
Si cette réforme est mise en œuvre intégralement, et si les carrières hiérarchisées actuelles sont dépouillées de leurs fonctions et titres, le Gouvernement privera ses chefs d’administration d’un outil d’organisation que le système de la gestion par objectifs ne saura pas compenser.
Un dégât collatéral supplémentaire du nouveau système projeté sera la dévaluation de fait de l’examen de promotion. Traditionnellement le classement obtenu à l’examen de promotion conditionnait, sous réserve du respect des autres dispositions légales et réglementaires, l’avancement dans les grades supérieurs. A l’avenir il suffira de ne pas échouer à cet examen. Connaissant l’esprit laxiste, dans ce domaine, de nombreux chefs hiérarchiques, l’examen de promotion risque de devenir, à court ou à moyen terme, une formalité, comme le sont déjà, à l’heure actuelle, de nombreux cours de formation continue. Si le Life Long Learning est mis en évidence en tant que l’un des éléments importants du projet de modernisation de la fonction publique, l’on doit parler ici plutôt d’un Less Learning qui, combiné avec l’automaticité projeté des promotions deviendra un Life Less Learning.
Last, but not least, l’on pourrait mettre en doute l’opportunité d’une uniformisation partielle, alors qu’une uniformisation complète engloberait tous les éléments statutaires et notamment les accessoires de traitement et le temps de travail.
Cette « réforme du siècle » serait d’ailleurs un fiasco complet si les carrières hiérarchisées étaient rendues planes et ternes, soumis à un système d’appréciation bureaucratique, probablement inefficace, alors que les carrières planes étaient restructurées, sans système d’appréciation, comme le font présumer les remous actuels. Nous estimons que si le Gouvernement entend imposer l’introduction d’un système d’appréciation, aucun secteur de la fonction publique ne peut en être exclu. Les secteurs les plus rétissants ne sont pas nécessairement ceux qui sont le plus à l’abri de critiques.
Comme nous supposons que le Gouvernement ne se laissera plus influencer par les réflexions exposées ci-dessus, et n’entend pas faire marche arrière, ce d’autant plus que le feu vert a été donné par le comité fédéral de la CGFP, nous demandons, pour le minimum, et du moins pour notre carrière, le maintien des titres actuels, également pour les futurs rédacteurs.
D’après l’accord « Les grades de substitution seront supprimés et remplacés par une deuxième filière de la majoration d’échelon pour les titulaires de postes à responsabilités particulières définis dans les organigrammes respectifs et classés dans les grades de niveau supérieur ».
Un bref retour en arrière permet de mieux évaluer la réforme proposée.
En 1986 les rédacteurs se sentaient lésés par le projet gouvernemental initial de la loi dite « cas de rigueurs » parce que ce projet prévoyait différents avantages spécifiques en faveur d’autres carrières, dont la prime de risque pour les fonctionnaires de la force publique. La revendication en vue de l’obtention d’une prime de fonction en était la conséquence. Selon les rédacteurs cette nouvelle prime était destinée à maintenir l’ancien équilibre entre les différentes carrières étatiques. Ceci est une nuance par rapport à la version des faits décrite à l’exposé des motifs en page 83 et 84 de l’avant-projet de loi modifiant le statut etc. Cette version des faits est celle qui, à l’époque, était mise en vitrine pour faire avaler la pillule, côté Gouvernement, et pour ne pas envenimer davantage les débats, côté syndical. Quoiqu’il en soit, le projet prévoyait finalement d’allouer des primes aux fonctionnaires des grades supérieurs. Suite à l’opposition formelle du Conseil d’Etat contre de « nouvelles primes pensionnables », le Gouvernement avait alors inventé les grades de sustitution. L’alternative aurait été de maintenir les primes, mais sans la pensionabilité. Cette alternative aurait eu l’avantage de pouvoir honorer l’engagement et la compétence de fonctionnaires n’ayant pas encore atteint leur grade de fin de carrière. Cette solution aurait par ailleurs été plus flexible, donc plus efficace, que l’affectation, parfois artificielle, des fonctionnaires ayant atteint le dernier grade de leur carrière à des postes à responsabilités particulières.
Il est opportun en ce point précis de notre prise de position, de poser de nouveau la question de la définition d’un poste à responsabilités particulières, question à laquelle personne n’a encore fourni de réponse satisfaisante, du moins en ce qui concerne l’Administration gouvernementale. Est-ce que c’est une notion définissable et délimitable ?
Le groupement des carrières hiérarchisées avait revendiqué, il y a quelques années, la création de grades de substitution dans tous les grades du cadre fermé. Il va sans dire que cette revendication visait une extension du nombre de postes pouvant bénéficier d’un supplément de traitement. Le projet actuel prévoit le même pourcentage de 15 % , mais pour l’ensemble du cadre fermé. Il est vrai qu’une disposition transitoire permet de dépasser ce contingent temporairement de 5 %.
Les dispositions du projet de réforme actuel ont, théoriquement, l’avantage de permettre d’ honorer les responsabilités particulières assumées par les fonctionnaires des grades 11,12, et 13. Mais comme le nombre de 15 ou de 20 % doit être réparti sur un effectif de +/- 40 %, trop de fonctionnaires méritants, assumant des responsabilités aussi importantes que les autres, ne pourront jamais profiter de ce avantage matériel.
Il est en outre à craindre que ce système qui va se greffer sur une « carrière plane », comme critiqué ci-dessus, ne soit guère compatible avec des structures organisationnelles se basant uniquement sur l’établissement d’organigrammes.
La répartition des postes à responsabilités particulières entre les différents services constituera finalement de sérieux casse-têtes pour les chefs d’administration.
Nous reviendrons ultérieurement, au point relatif à l’Administration gouvernementale sur cette problématique particulière.
Partant, et indépendamment des conclusions convergeantes ou divergeantes qui pourront être tirées des réponses aux questions ci-dessus, et pour pouvoir prendre en compte les « réalités du terrain », nous estimons que le remplacement de l’ancien système par un nouveau système doit s’accompagner obligatoirement par un pourcentage largement plus élevé que celui qui est actuellement prévu.
- La réforme du stage.
D’après l’accord « La durée du stage sera augmentée à trois ans, avec un réagencement parallèle de la formation du stagiaire…………………Le rôle du patron de stage sera renforcé ».
La combinaison de cet allongement de la période de stage avec , parallèlement, une diminution des indemnités, amène ceux qui prennent au sérieux les déclarations préconisant la modernisation des services publics à supposer que la formation des stagiaires prendra une place plus conséquente, à l’avenir ( voir la Déclaration sur l’Etat de la nation).
Il n’en est rien, tout au contraire du moins en ce qui concerne la formation théorique à l’Inap.
Pour la carrière du rédacteur il est projeté de réduire le temps de formation de 35% ! Le temps de formation est actuellement de 372 heures, mais le projet de réforme n’en prévoit que 240.
Pour une carrière, confrontée depuis des décennies au refus systématique d’un allongement de la formation postsecondaire, une réduction supplémentaire de la formation à l’Inap ne saurait être accepté en aucun cas.
Rappelons dans ce contexte que l’Inap a surtout été créé, à l’origine, pour calmer les revendications de la carrière moyenne du rédacteur en vue d’un allongement de la formation postsecondaire. Les rédacteurs ont souvent, de par le passé, regretté et critiqué que la formation à l’Inap ne dispense pas une formation suffisamment poussée pour compenser l’absence de formation postsecondaire préalable à l’admission au stage.
Maintenant la politique du Gouvernement semble consister à vouloir écarter progressivement, mais définitivement, la carrière moyenne de tous les vrais postes de responsabilité. L’introduction de la carrière du bachelor, non accessible pour les « traditionnels bacheliers » actuels et futurs, parallèlement à la réduction du temps de formation à l’Inap abaissera les compétences et le profil des futurs rédacteurs et condamnera la carrière du rédacteur à devenir insignifiante et à être écartée rapidement des postes de middle managment occupés aujourd’hui.
Relevons dans ce contexte que nous ne contestons nullement la nécessité du LLL, principe que nous approuvons sans réserve, mais nous refusons la réduction de la formation de base pendant le stage.
Soulignons en outre que nous saluons les mesures précisées dans le communiqué du 22 décembre 2011 et tendant à améliorer l’apprentissage pratique pendant le stage.
L’ACFAG demande au Gouvernement de moderniser effectivement la fonction publique, et de :
- maintenir, voire augmenter, le volume de la formation générale à l’Inap
- rediscuter sérieusement, avec les intéressés, la problématique
bachelor/rédacteur, et à défaut de consensus, de rechercher une solution
nouvelle, le cas échéant dans le cadre de l’Inap, pour la formation
postsecondaire des rédacteurs
- faire une évaluation de la formation spéciale à l’Administration
gouvernementale (cf. chapitre C )
III. La gestion par objectifs.
Le système d’appréciation des compétences personnelles et
professionnelles.
La procédure d’amélioration des prestations professionnelles et
procédure d’insuffisance professionnelle.
Dans notre aide-mémoire de février 2011, nous avions résumé comme suit nos vues relatives à la gestion par objectifs :
« En ce qui concerne « Les instruments permettant d’augmenter la qualité dans les services publics » , nous pensons que la gestion par objectifs doit bien évidemment faire partie intégrante de la gestion des administrations et services, de la magistrature, de la Force publique et de l’enseignement. Or la gestion par objectifs est déjà pratique courante dans la plupart des administrations et services, même si cela n’est pas documenté ou formalisé par des textes spécifiques. Ce sont les textes législatifs et réglementaires ainsi que les instructions des supérieurs hiérarchiques qui fixent les objectifs. Ceux-ci sont le plus souvent atteints, grâce notamment à l’engagement quotidien des agents. Si le Gouvernement souhaite maintenant créer de nouvelles directives dans ce domaine, ce qui pourrait être utile dans certains cas, il faudra néanmoins éviter de créer une « usine à gaz », alors que la simplification administrative est souhaitée dans de nombreux domaines. Au-delà de ces considérations, nous supposons que l’objectif premier de l’introduction, par la voie législative, de la gestion par objectifs, est en réalité l’introduction d’un système d’appréciation des compétences.
Au vu des avants-projets de texte, disponibles depuis quelques semaines, et des précisions et compléments du 22 décembre 2011, nous ne sommes toujours pas en mesure, vu la complexité des procédures proposées, d’en évaluer toutes les conséquences et tous les inconvénients ou avantages possibles.
Tout d’abord nous ne pouvons nous empêcher de revenir à notre « théorie de base », selon laquelle la hiérarchisation des fonctions permet au chef d’administration d’affecter les fonctionnaires aux postes qu’ils sont capables et motivés d’assumer, alors que cette affectation est normalement accompagnée d’une promotion. De la sorte les fonctionnaires sont automatiquement amenés à se développer professionnellement, sans qu’il soit nécessaire de recourir à de lourdes procédures d’appréciation des compétences. La principale condition pourque ce système fonctionne correctement, est que le chef d’administration soit un bon organisateur et un bon gestionnaires des ressources humaines.
Il est vrai que le système n’a pas bien fonctionné à l’Administration gouvernementale. Volà pourquoi l’ACFAG revendique depuis des dizaines d’années des réformes dans ce domaine, mais aucun Ministre en charge de l’Administration gouvernementale, à part Monsieur Michel WOLTER, n’était prêt à se lancer dans un projet de réforme.
Mais comme il est probablement vain de nous attarder sur les avantages, pour la majorité des administrations, de l’actuel systéme d’organisation , nous relevons ci-après les points du projet gouvernemental qui nous posent le plus de problèmes.
1) D’après l’article 6 de l’avant-projet de règlement grand-ducal, le chef d’administration est responsable de la définition, du suivi et de l’évaluation des objectifs généraux, de l’établissement et de la mise à jour de l’organigramme et des descriptions de postes.
D’après l’article 7 …… les objectifs personnels ….. sont fixés par le chef d’administration.
Il suffit ainsi de quelques lignes pour fixer indubitablement « les règles du jeu » et pour faire du chef d’administration l’homme tout puissant qui pourra disposer des « ressources humaines » comme il l’entend. Les textes gouvernementaux sont en effet muets par rapport aux questions qui suivent :
- Est-ce que le chef d’administration peut fixer des objectifs exagérés ?
- Est-ce que le chef d’administration peut fixer l’organigramme comme bon lui semble,
sans par exemple tenir compte des attributions traditionnelles de telle ou telle
carrière ?
- Est-ce que le chef d’administration peut définir les postes en fonction du personnel
dont il dispose ou doit-il décrire les postes en fonction d’un organigramme
théoriquement parfait ?
- Est-ce que le chef d’administration ne sera pas obligé d’être trop inventif par rapport à
l’obligation d’élaborer un organigramme visant non seulement l’organisation de la
« maison », mais encore et surtout la répartition des tâches dans l’optique des
appréciations ultérieures ?
- Est-ce que les organigrammes auront un certain caractère de stabilité dans le temps,
trois ans par exemple, ou pourront-ils être modifiés, le cas échéant ensemble avec la
description des postes, au fur et à mesure des expériences, de l’évolution des effectifs,
de l’évolution des compétences du personnel, de la refixation des objectifs généraux
avant l’écoulement de la période de trois ans ?
- Comment combiner les prescriptions projetées avec la périodicité des remaniements
du Gouvernement, à la suite des élections ?
- etc.
Nous avons des difficultés pour trouver dans les textes gouvernementaux des réponses à toutes ces questions. Ni le texte proprement dit, ni l’exposé des motifs ou le commentaire des articles ne fournissent le cadre ou les directives suffisantes qui permettraient de faciliter la mise en œuvre et la transparence
- de la fixation des objectifs généraux
- de l’établissement de l’organigramme
- de la description des postes
- de la fixation des objectifs personnels
Par contre : le système d’appréciation des compétences professionnelles et personnelles est beaucoup plus détaillé. Une comparaison grossière entre les textes - réglementaires, exposés des motifs, commentaires des articles et guides - consacrés aux points ci-dessus, et ceux consacrés au système d’appréciation donne approximativement le rapport 1/5, ce qui nous fait dire qu’il y a un déséquilibre manifeste entre les deux volets objectifs généraux+organigramme+descriptions de poste+objectifs personnels d’une part et le système d’appréciation d’autre part.
Le projet gouvernemental, poursuivant l’objectif de la modernisation de la fonction publique, semble donc viser avant toute chose l’appréciation des prestations des agents. Les autres éléments ne semblent être que les préalables incontournables pour atteindre l’objectif de l’introduction du système d’appréciation.
2 ) L’avant projet gouvernemental prévoit l’application du système d’appréciation exclusivement lors des phases-clef du déroulement de la carrière du fonctionnaire, alors que l’avant-projet prévoit des entretiens annuels.
3 ) L’avant-projet gouvernemental prévoit un système d’appréciation des compétences de direction et d’encadrement des fonctions dirigeantes. Le système prévu permet pratiquement que le directeur d’une administration confie à un collaborateur de son choix de mettre en œuvre toute la procédure d’appréciation. Le terme de collaborateur suscite aujourd’hui encore chez beaucoup de Luxembourgeois des sentiments d’aversion. Il n’est pas souhaitable que la notion de collaborateur, en principe neutre, retrouve la signification négative d’antan à cause d’une obligation qui nous semble un peu hypocrite.
Pour conclure, nous demandons vivement au MFPRA d’amender les avant-projets sur les points suivants :
- a) Afin de ne pas abandonner les traditions jusqu’ici salutaires de la participation des agents à la fixation et à la mise en oeuvre des objectifs généraux, il est nécessaire de compléter l’article 7 de l’avant-projet par une disposition ad hoc. Elle pourrait être formulée comme suit :
En vue de la définition des objectifs généraux, le chef d’administration peut consulter le personnel de l’administration. Il doit consulter la/les représentations du personnel, si elle existe.
- b) Afin d’aider le chef d’administration dans sa tâche de gestion, d’éviter tout arbitraire éventuel et d’optimaliser la gestion des ressources humaines, le même article 7 devrait être complété comme suit :
En vue de l’établissement de l’organigramme et de la description des postes, le chef d’administration soumet son projet au préalable à l’avis de la représentation du personnel, si elle existe. Le projet définitif, ensemble avec l’avis définitif de la représentation du personnel est soumis pour approbation au ministre du ressort.
- c) Le système d’évaluation est trop laborieux.
Même en admettant que l’intention des auteurs était de protéger les agents contre tout arbitraire en prévoyant un système objectif et transparent, il est fort à craindre que les chefs hiérarchiques ne soient dépassés par la complexité du système. Le résultat pourrait ainsi être l’inverse de l’attente.
Nous proposons de rendre les entretiens annuels facultatifs et de rendre les différentes étapes et les différents documents d’appréciation beaucoup plus concis, selon l’adage que moins peut être plus.
- d) En ce qui concerne le système d’évaluation des chefs, nous proposons soit l’abandon de cette proposition, soit l’implication de la représentation du personnel.
- e) Pour ce qui est de la procédure d’amélioration des prestations professionnelles et procédure d’insuffisance professionnelle, nous ne nous opposons pas à cette réforme, mais nous nous permettons les remarques ci-après.
Tout d’abord il nous semble que cette réforme est superfétatoire, alors qu’il semble évident que beaucoup de mesures prévues dans les différents projets devraient résulter automatiquement d’une bonne gestion du personnel assumée par des gestionnaires de ressources humaines responsables et compétents ! Par ailleurs les règles fondamentales du statut général, les principes mêmes de la gestion par objectifs, de l’organisation par organigramme, de la description des postes de travail et du développement professionnel des agents devraient, si tous ces principes législatifs et réglementaires sont formulés de façon suffisamment pertinente, rendre superflue la procédure dont objet. Est-ce que les auteurs de la réforme doutent de l’efficacité des mesures proposées ou est-ce que c’est le constat que les principes de bonne gestion , qui sont courants dans toute entreprise performante, sont parfois difficiles à appliquer dans la Fonction publique luxembourgeoise ? Nous nous permettons d’affirmer dans ce contexte que la raison n’en est pas toujours un certain manque de compétences ou l’absence de culture de managment, mais aussi le fait que les fonctionnaires dirigeants se heurtent parfois à la difficulté de convaincre les décideurs du bien-fondé de leurs propositions.
Les mesures proposées ne sont en tout cas pas nécessaires dans le système actuel, qui permet de faire le lien entre les compétences professionnelles et les promotions et qui permet en outre la « rétrogradation pour incompétence professionnelle «. C’est l’une des raisons qui nous rend éminemment antipathique la suppression du système actuel des promotions dans le cadre fermé.
Nous prétendons, finalement, que le système futur, tel que l’envisage le Gouvernement, devrait certes prévoir la rétrogradation pour incompétence professionnelle, sans , pour autant, prévoir la révocation. Cette mesure extrème devrait rester réservée à la procédure disciplinaire. A moins que l’ancien Ministre du travail ne tienne à imiter certains patrons du secteur privé qui croient que la législation sociale doit prendre en charge ceux qui arrivent difficilement à adapter leur productivité aux exigences actuelles. Le coût pour la société d’une mise à la retraite prématurée ou d’une mise au chômage est souvent plus élevé que le maintien dans l’emloi. Toute fin prématurée d’une relation de travail est un échec et c’est parfois le résultat d’une gestion irresponsable ou médiocre des ressources humaines.
- Les autres projets de réformes.
- Le droit de grève.
La personne du médiateur sera le président de la future Cour Suprême et ne sera donc plus le Président du Conseil d’Etat. Selon l’exposé des motifs, il s’agit de consacrer un parallélisme avec la commission de conciliation dont la présidence est également conférée à un magistrat de l’ordre judiciaire.
Nous sommes d’avis que cette motivation est bien faible.
Or l’expérience des dernières années vient de démontrer que le conciliateur, un magistrat, ne prend que des initiatives assez formelles pour concilier les parties.
Le médiateur par contre, en sa qualité de Président du Conseil d’Etat, qui est une fonction politique du plus haut niveau, est amené à s’engager plus personnellement pour mettre fin à des litiges qui peuvent se terminer, en fin de compte, par l’échec de la grève, toujours nuisible aux intérêts généraux du pays.
Les litiges ne proviennent généralement pas de l’interprétation divergeante de textes, mais de divergeances plus fondamentales. Nous estimons dès lors qu’il n’appartient pas à un magistrat, astreint pendant toute sa carrière professionnelle d’agir et de décider selon de strictes règles de déontologie et de neutralité, dans le cadre de la constitution et des lois, à sortir de ce rôle et à prendre des attitudes de médiateur politique.
Nous proposons dès lors de réfléchir une deuxième fois à cette proposition de réforme qui n’est pas anodine, malgré les apparences.
L’article 6 du projet de règlement grand-ducal prévoit que le conciliateur « peut, dans des circonstances exceptionnelles, suspendre la procédure pendant une durée maximale d’un an ». ll nous semble que cette disposition soit nouvelle, alors que l’exposé des motifs ne fournit aucune explicationà ce sujet.
Le droit de grève pourrait, de la sorte, être entravé, intentionnellement ou non.
Si telle était l’intention du Gouvernement, il faudrait faire marche arrière, quitte à prévoir un délai analogue à celui qui est prévu pour la médiation.
- Mesures diverses.
Nous critiquons évidemment la suppression de la majoration de l’indice dont le seul objectif est de réaliser des économies.
En ce qui concerne le réagencement du mécanisme de la computation de la bonification, nous estimons que les expériences qui ont été acquises dans le secteur privé devraient être honorées au même titre que celles qui ont été acquises dans un service public.
D’après l’accord une étude générale sur tous les accessoires de traitements sera finalisée pour la fin de la période législative 2009-2014. Nous reviendrons à ce point dans le chapitre consacré à l’Administration gouvernementale.
- Examens-concours.
« Le système des examens-concours d’admission pour toutes les carrières étatiques sera réaménagé pour comporter deux étapes, comprenant des épreuves générales et des épreuves spéciales, tout en garantissant une prise de décision transparente entre les trois candidats les mieux classés à l’épreuve spéciale ».
L’un des éléments-clés d’une fonction publique performante est la sélection des meilleurs candidats. Un deuxième élément, tout aussi important, est l’adéquation entre le profil du candidat et le profil du poste. L’avant-projet se base sur ces principes.
Pour atteindre l’ojectif de la sélection des meilleurs candidats, les examens-concours sont organisés en deux parties distinctes : les épreuves générales organisées par le MFPRA et les épreuves spéciales organisées par les administrations et services.
Un point fondamental du projet de réforme est la suppression du droit à un poste, suite à une réussite à l’examen-concours. Cette innovation est radicale, alors qu’elle ne figure pas dans l’accord !
Selon l’article 8 l’épreuve spéciale « peut revêtir soit la forme d’un entretien personnel et professionnel, soit d’une mise en situation professionnelle (écrit ou oral) ».
Selon l’article 11 « L’autorité …………… procède à l’occupation du poste sur base d’un classement de trois candidats qui ont réussi à l’épreuve spéciale respective .»
Ces textes n’imposent ainsi que des directives minimalistes pour l’organisation des épreuves spéciales et pour la transparence du choix final ! Dès lors nous pensons que la transparence n’est pas garantie et que la sélection du candidat le plus adéquat est compromise.
D’après l’exposé des motifs il doit y avoir « la garantie d’une prise de décision transparente entre les trois candidats les mieux classés à l’épreuve spéciale ».
Le commentaire des articles fournit pour sa part les explications suivantes :
« Bien que cette mesure confère plus de liberté aux administrations quant au choix de leurs futurs stagiaires, il y a lieu de relever que la sélection définitive des candidats retenus devra s’opérer sur base de critères objectifs et transparents, en tenant compte entre autres des compétences professionnelles et sociales du candidat ainsi que de l’adéquation de celles-ci aux compétences essentielles exigées dans la description du poste à pourvoir. »
Nous partageons totalement cette philosophie. Voilà pourquoi nous demandons au Gouvernement de la transposer aussi dans la réglementation et de compléter le texte de l’avant-projet du règlement grand-ducal de façon à l’imposer clairement. Il est nécessaire, au minimum, d’intercaler entre les articles 10 et 11 un ou même plusieurs articles nouveaux qui auront les finalités suivantes :
- formuler clairement les objectifs de transparence dont question
- imposer des règles claires pour l’organisation des entretiens ou des épreuves spéciales
- imposer que le déroulement des entretiens et épreuves spéciales soit clairement
documenté par des rapports ou procès-verbaux
- imposer que le choix final soit documenté par un procès-vebal ou un rapport.
- Employés.
Selon l’accord du 15 juillet 2011 « Un mécanisme permettant la fonctionnarisation d’employés de l’Etat……………..sera inscrit au statut général ».
Ce qui nous amène à reposer les anciennes et traditionnelles questions :
Est-il nécessaire d’engager du personnel qui n’a pas le statut de fonctionnaire ?
Si oui, pour quels emplois et pour quelle durée ?
Si oui, est-ce opportun de fonctionnariser les employés recrutés par après ?
Est-ce que les employés doivent bénéficier de conditions de rémunération analogues à celles des fonctionnaires ?
Nous pourrions consacrer un long mémoire à ces questions, pour en venir probablement, entre autres, aux éléments de réponse contenus dans les programmes gouvernementaux de 1999 et 2004.
Extrait du programme gouvernemental de 1999 :
« Il ne sera recouru au recrutement d’employés – par dérogation aux conditions normales d’engagement imposées aux fonctionnaires – que dans des circonstances exceptionnelles bien déterminées et pour des emplois définis, recrutement dûment justifié par des considérations particulières de service ».
Extrait du programme gouvernemental de 2004 :
« Le Gouvernement veillera à la transparence et à l’équité en matière d’accès au service public et se laissera guider par des considérations d’objectivité, de compétence et de performance ainsi que du souci de l’égalité des chances à l’égard des candidats. Il ne sera recouru au recrutement d’employés de l’Etat sur avis de la CER que dans des circonstances exceptionnelles et pour des emplois bien définis. Les aspects administratifs des opérations de recrutement d’employés de l’Etat, quelle que soit leur administration d’affectation, seront centralisées pour des raisons d’harmonisation et de coordination sous l’autorité du Ministre de la Fonction Publique, qui sera appelé à développer une véritable stratégie de gestion des ressources humaines ».
Extrait du programme gouvernemental de 2009 :
« Le Gouvernement continuera à veiller à la transparence et à l’équité en matière d’accès au service public. Les mécanismes de recrutement en place, tant pour les fonctionnaires que pour les employés de l’État, seront adaptés avec comme objectif de mieux faire correspondre les profils des candidats aux besoins des administrations ».
La politique du Gouvernement semble donc avoir changé puisqu’on ne parle plus, en 2009, d’une stricte limitation du recrutement d’employés, mais d’un meilleur recrutement.
A la lecture des différents avis de presse annonçant le recrutement d’employés, nous constatons que les administrations et services, mais surtout les départements ministériels, souhaitent de plus en plus souvent recruter des employés, ceci même pour des postes à durée indéterminée et à tâche complète !
Il est par conséquent nécessaire d’examiner les raisons de cette évolution, de réfléchir à nouveau sur toute cette problématique et de redéfinir une politique cohérente.
En attendant il nous semble prématuré
- de continuer à répercuter sur les employés les structures de carrière des fonctionnaires
- de prévoir de nouveaux mécanismes de fonctionnarisation.
- Le Life Long Learning et la carrière ouverte.
D’après l’accord « un nouveau mécanisme de l’accès à un groupe de traitement supérieur sera mis en place, avec une formation complémentaire personnalisée ainsi qu’un système pour la validation des acquis de l’expérience ».
A nos yeux, la synthèse du projet gouvernemental peut être formulée comme suit :
- les procédures deviendront plus élaborées
- les candidats sont censés suivre des formations spécifiques supplémentaires
- les examens-concours sont remplacés par la réussite de l’épreuve d’un mémoire
- le classement à l’examen-concours, en cas de candidatures multiples, est remplacé par
un système d’appréciation.
Nos commentaires généraux :
- Conformément au 3e paragraphe de l’article 7, l’accès à un groupe de traitement supérieur ne peut fonctionner dorénavant que si un poste a été destiné à hoc. C’est le système qui a existé pour l’accès aux carrières supérieures, mais pas pour l’accès aux carrières moyennes. De la sorte le projet engendrera une harmonisation ou plutôt une uniformisation pour tous les fonctionnaires. La conséquence en sera que les fonctionnaires du groupe C1 ne pourront plus bénéficier de la possibilité de participer à l’examen de promotion du groupe B1. Ils devront par contre essayer de convaincre leur chef d’administration de l’utilité de créer pour eux un poste réservé. De la sorte la pratique existant actuellement pour l’accès aux postes de la carrière supérieure sera généralisée et tous les éléments subjectifs et arbitraires seront généralisés en même temps. « La fiche d’analyse de poste élaborée par le ministre « n’apportera certainement pas non plus la transparence requise. Il est facile d’imaginer par ailleurs que cet arbitraire pourra également influencer tout le reste de la procédure sophistiquée prévue par le projet. Le projet gouvernemental n’a ainsi pas de solide base