Lettre au Ministre Biltgen

by Romain Kremer

Tableau d'avancement

Luxembourg, le 19 mars 2013

 

 

Monsieur François BILTGEN

Ministre de la Fonction publique

et de la Réforme administrative

 

Madame Octavie MODERT

Ministre déléguée à la Fonction publique

et à la Réforme administrative

Concerne :        Tableau d’avancement des rédacteurs de l’Administration Gouvernementale

 

Monsieur le Ministre,

 

Dans notre lettre du 3 août 2010 nous avions exposé une série d’arguments pour vous convaincre de changer d’attitude et de nous transmettre, au moins une fois par année, le tableau d’avancement des rédacteurs de l’Administration gouvernementale. Tel était en effet la pratique courante chez tous vos prédécesseurs compétents pour l’Administration gouvernementale. Tel continue par ailleurs à être la pratique dans les autres administrations.

  Jusqu’à ce jour vous n’avez pas daigné répondre à nos arguments, prétendant lors de deux de nos entrevues que vous ne pouvez en aucun cas contrevenir à la législation sur la protection des données.

  Au vu du mécontentement grandissant parmi nos membres, et afin de résoudre de façon constructive le conflit d’opinions, nous avons initié l’établissement d’un avis juridique.

 L’avis juridique qui est maintenant en notre possession confirme de façon non équivoque la justesse de nos vues.

 Afin de vous permettre, Monsieur le Ministre, de réexaminer la pertinence de vos propres arguments, nous reproduisons ci-après, les principaux passages de l’avis juridique en question.

 Etant donné que vos deux départements de la Justice et de la Fonction publique disposent de suffisamment de ressources humaines compétentes en droit administratif pour vous conseiller dans les meilleurs délais dans ce dossier, nous vous prions, Monsieur le Ministre,

  • soit de nous contacter, afin que nous trouvions ensembles un nouveau modus vivendi
  • soit de nous communiquer par écrit votre position et vos arguments
  • soit de nous confirmer par écrit votre refus de communiquer le tableau d’avancement.

Etant donné que le différend relatif au tableau d’avancement nous oppose depuis bien trop longtemps, nous souhaitons vivement connaître votre position endéans un mois à partir de la date de la présente lettre.

 Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération très distinguée.

 

 

Pour le Conseil d’Administration de l’ACFAG

 

 

 

 

Fränky WOHL

Secrétaire

Cindy HARY

Secrétaire adjoint

Romain KREMER

Président

 

 

Copie de la présente a été adressée à :

  • Monsieur Jean-Claude JUNCKER, Premier Ministre
  • Madame Octavie MODERT, Ministre déléguée à la Fonction publique

 

                   

 

 

 

Quelques extraits de l’avis juridique établi le 6 février 2013 par une Etude d’avocats

Sujet I : Protection des personnes à l’égard des données à caractère personnel.

Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

En vertu de l’article 2 b) de la directive il s’avère que le tableau d’avancement constitue un « traitement de données » au sens de la directive.

...

En vertu du considérant 25 des motifs de la directive l’autorité publique, dans notre cas le ministère de la Fonction publique est obligé de veiller à la qualité des informations et de permettre un droit d’accès aux personnes concernées.

...

Au sens de la directive, l’établissement du tableau d’avancement ainsi que sa publication et/ou sa communication aux représentants du personnel ne sont pas restreints. Aucune disposition ou objectif de la directive n’empêche la pratique de la communication dudit tableau.

Loi du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

...

D’une part, la loi en question tend à protéger le droit à la vie privée. Il y a lieu de remarquer que la liste d’avancement, quand bien même elle est communiqué aux représentants du personnel, ne porte nullement atteinte au droit à la vie privée au sens de l’article 8 CEDH.

...

Il résulte de ce qui précède qu’en aucun cas la loi du 2 août 2002 ne s’oppose à l’élaboration et à la communication du tableau d’avancement.

Sujet II : Qualification juridique de la liste d’avancement : un acte administratif.

...

Le tableau d’avancement du personnel en tant qu’il émane d’une autorité administrative et qu’il est susceptible de produire par lui-même des effets juridiques sur la situation personnelle des fonctionnaires de l’administration gouvernementale est à qualifier d’acte administratif. En tant qu’acte administratif opposable (dans le cadre d’une promotion par exemple) qui a des effets juridiques propres à l’égard de chaque fonctionnaire pris individuellement, mais aussi à l’égard de chaque fonctionnaire pris en tant que tiers, l’administration doit, dans un souci efficient des droits de recours, publier les tableaux d’avancement. Cette règle résulte de l’article 5 du règlement grand-ducal de 1979 (PANC).

Le tableau d’avancement peut également être considéré comme un acte administratif à caractère réglementaire. Le critère de qualification des actes à caractère réglementaire, au sens de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, est à rechercher au-delà du simple fait que les actes en question peuvent être réglementaires, c’est-à-dire normatifs…

Il résulte des développements qui précèdent qu’il y a tout lieu de conclure que le tableau d’avancement constitue un acte administratif à part entière. Qu’il s’agisse concrètement d’une somme d’actes individuels ou d’un acte à caractère réglementaire, l’administration a l’obligation de lui attribuer la publicité adéquate (publication, notification, affichage etc.) de sorte à permettre aux intéressés (destinataires directs ou tiers) de faire valoir leurs droits.

Sujet III : les principes administratifs de transparence et de confiance légitime.

Le principe de la transparence :

Le principe de la transparence administrative est issu des articles 11 et 12 de la PANC. Certains auteurs voient même dans l’article 10, § 1er de la CEDH, qui prévoit le droit de recevoir des informations, la reconnaissance du principe de transparence.

De l’obligation de transparence dépend le principe d’égalité de traitement qui implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect et les éventuels critères de décision. La juridiction y rattache indistinctement les principes d’égalité des chances, de dialogue et de la collaboration accrus entre les administrés et les administrations.

Sur base de ce principe il est partant raisonnable d’exiger la communication du tableau d’avancement dans la mesure où ce dernier est un des critères pris en compte dans les promotions. Pour sauvegarder notamment le principe d’égalité devant la loi( article 10 bis de la Constitution) il est nécessaire que ces informations soient portées à la connaissance des représentants du personnel et des agents. Il y a lieu de considérer cette communication du tableau comme une formalité précontentieuse mise en place dans un souci de collaboration et de dialogue entre les administrés et l’administration.

Il y a tout lieu de penser que le contrôle exercé par les représentants du personnel sur les données du tableau d’avancement ainsi que le contrôle exercé par ces derniers sur les différents avancements est un gage de légalité des décisions discrétionnaires de l’administration.

Comme tout principe précontentieux une telle formalité est un gage de dialogue et donc de paix sociale.

Le principe de la confiance légitime :

….

Le fait que la communication du tableau d’avancement aux représentants du personnel soit constitutive d’une attitude habituelle de l’administration est plus que pertinent pour revendiquer le maintien de cette pratique.

Les juridictions administratives luxembourgeoises ont consacré le principe général du droit à la confiance légitime qui permet à l’administré d’exiger de l’autorité administrative qu’elle se conforme à une attitude qu’elle a suivie dans le passé.

Concernant le tableau d’avancement, il y a lieu de constater que sa communication aux représentants du personnel constitue une pratique bien établie depuis de très nombreuses années, pratique qui n’est nullement contraire à la loi. Cette procédure mise en place par les services du ministère se situe dans le cadre du champ de compétence du ministère de la Fonction publique. Il n’est partant pas illégitime d’exiger en vertu de l’adage « tu patere legem quam ipse fecisti » , le respect d’une telle pratique interne qui est d’utilité publique depuis de nombreuses années.

….

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